Je m’appelle Maxime Daviron, je suis photographe principalement spécialisé dans les paysages sauvages, la haute montagne et les orages. Pour ce qui est de mon parcours, je ne saurais pas dire à quel âge précisément j’ai commencé à faire des images, mais c’est à la fin des années 2000 que j’ai décidé de m’orienter consciemment vers une approche artistique de la photographie, et que je voulais en vivre. J’ai donc étudié durant deux ans dans la section « Praticien Photographe » de l’ETPA de Toulouse, avant de prendre mon premier statut à l’été 2013.
Début 2015, je suis parti vivre au Canada pendant deux ans ; avant de revenir à Toulouse pour quelques temps. Cette période outre-Atlantique fut propice à la création de nouvelles séries : que ce soit sur la route au cours de traversées du continent, mais aussi dans les ambiances urbaines des mégapoles ; et bien évidemment au cœur des territoires sauvages des hautes latitudes. Depuis mon retour d’Amérique du Nord, chacun de mes étés est entièrement consacré à ma quête de foudre en altitude et dans les déserts espagnols. Pour cette raison et bien d’autres, début août 2019, ma compagne et moi avons décidé de déménager plus près des Pyrénées, ce qui me permet de pouvoir orbiter autour de ce « camp de base » plus facilement, de part et d’autre de la frontière pyrénéenne (et au-delà).
En parallèle, j’écris également beaucoup (principalement des récits de voyages photographiques), je compose de la musique, et j’expérimente dans la vidéo en vue de projets futurs.
Comme je l’évoquais, j’ai un très fort attrait pour les territoires les plus sauvages, encore intouchés par l’anthropocène. Plus particulièrement, c’est en haute montagne que je puise mon inspiration en majeure partie, notamment dans le cadre de ma série « principale », intitulée « Terres Perdues ». C’est un milieu particulier, que je recherche autant pour la photographie que pour mon esprit, pour lequel il semble vital d’y passer le plus de temps possible. Dans ce type de séries, fuir les traces humaines devient alors primordial.
Pourtant, bien avant de découvrir la haute altitude, c’est en plaine que j’ai grandi, au cœur du Périgord. C’est là qu’est née au milieu des années 2000 une passion pour les orages et la foudre, passion muée en véritable obsession depuis.
La suite logique était donc d’associer ces deux univers. En altitude, l’orage agit comme un révélateur. L’esprit s’efface, laissant place à la contemplation d’une nature immense, brute et primitive, évocatrice d’un autre temps. Quand la foudre frappe, une connexion furtive se crée entre les cimes et le ciel, et l’atmosphère se fait mythologique. C’est cette perception onirique que je tente de retranscrire, et les sentiments particuliers qu’elle invoque. Visuellement, mes influences sont avant tout picturales, cinématographiques et littéraires ; avec également de fortes inspirations musicales. Chaque série puise davantage dans l’une ou l’autre de ces influences, mais paradoxalement la photographie n’en fait partie que pour une poignée de projets, notamment dans certaines séries nord-américaines incluant l’humain.
Après la montagne, les territoires qui m’attirent le plus sont indubitablement les déserts. Dans la série « Les Étendues Arides », j’explore ces lieux particuliers en quête d’atmosphères plus surréalistes, suggérant d’autres mondes.
Je dirais que ce qui relie mes différents travaux est avant tout une tentative de retranscrire, au-delà d’une simple perception purement graphique, ce qui émane des visions auxquelles j’assiste ; tout en essayant d’y insuffler certaines idées, influences et inspirations.
Si je me concentre uniquement sur la photographie de paysage, je dirais que l’un des facteurs le plus importants à intégrer dans sa démarche est le temps.
Développer son œil prend des années, mais préciser sa démarche artistique (quand il y en a une) demande encore plus de patience. C’est un travail au long cours, de même que la réalisation des images qui composent une série – car en photographie travailler de cette façon me paraît décisif si on veut obtenir quelque chose de cohérent.
Pour les images de paysage, cela passe avant tout par le repérage : déjà par le biais de cartes, d’outils comme Google Earth, et de diverses recherches sur internet, dans les livres, etc ; mais aussi et surtout en passant de longues périodes sur le terrain, et en y revenant jusqu’à obtenir les conditions espérées lorsqu’on a découvert un endroit propice.
L’image recherchée dépendra toujours de la conjonction entre un lieu et un moment, à savoir une lumière et des conditions climatiques particulières. Savoir faire ses propres prévisions est en cela un atout majeur, notamment en montagne ; mais ça passe par l’étude de la météorologie, qui est encore une discipline à part (en revanche évidemment indispensable pour les orages). Ceci dit, outre l’anticipation des conditions que ça permet, c’est aussi un avantage certain sur le plan sécurité, qu’il ne faut jamais négliger dans ce type de milieu (dans mon cas particulier avec la foudre en altitude, c’est même littéralement vital).
Que ce soit la montagne, les déserts ou les forêts, il faut apprendre à connaître l’environnement dans lequel on évolue. Là encore, l’expérience ne s’acquiert que grâce au temps passé en immersion dans ces territoires. C’est cette immersion, d’ailleurs, qui permet de percevoir une atmosphère dans toute sa complexité.
Pour le côté purement photographique, l’un des points essentiels à mon sens est aussi de conscientiser ses choix techniques pour les mettre au service de sa démarche. Enfin, pour ce qui est du post-traitement, les partis-pris sont certes personnels, mais des notions comme « équilibre », « nuances » ou « subtilité » me semblent bonnes à garder à l’esprit.
Dernier conseil, peut-être l’un des plus importants : intégrer l’éthique dans son approche. Que ce soit sur la véracité de ses images, dont les manipulations sont malheureusement de plus en plus répandues ; mais également dans le respect des environnements ou sujets photographiés.
J’allais oublier, mais concernant la photographie d’éclairs, j’ai justement rédigé un dossier sur le sujet pour le site « Chasseurs d’Orages » (d’ailleurs un terme que paradoxalement je n’aime pas trop, mais qui à le mérite de parler au grand public).
Côté matériel purement photo, j’ai actuellement un Nikon D750 et trois focales fixes (20mm, 50mm et 85mm), auxquelles s’ajoute parfois un téléobjectif quand je peux en emprunter un (c’est ce qui manque à mon sac, le prochain achat est probablement un 150-600mm). Côté accessoires, j’utilise également des télécommandes filaires et infrarouges, ainsi qu’une cellule de déclenchement (Lightning Sensor V1 et maintenant V4B, en partenariat avec Radio Ham Electronic). Cette cellule sert spécifiquement à photographier les orages diurnes, quand la luminosité est trop importante pour réaliser de longues expositions. Bien entendu, à ça s’ajoutent plusieurs batteries de rechange pour les longs treks ou les nuits électriques ; ainsi que divers accessoires (en revanche je n’utilise aucun filtre). Quant à mon trépied, c’est un Veo 3+ de chez Vanguard (avec qui j’ai également un partenariat).
En revanche, en haute montagne ainsi que dans tous les lieux inaccessibles en voiture, je n’emporte évidemment pas mon sac photo. Je décompose donc son contenu en plusieurs parties pour l’intégrer à mon matériel de randonnée / alpinisme. Pour ça, j’ai un système rodé depuis longtemps : appareil photo fixé sur le flanc droit de mon sac, « prêt à dégainer », sécurisé en raccordant la dragonne à la ceinture abdominale ; jumelles et housse avec un deuxième objectif et divers accessoires sur le flanc gauche ; et le reste dans la poche supérieure du sac (notamment le grand angle, que j’utilise plus rarement, surtout quand je suis en mouvement).
Impossible de n’en choisir qu’un seul, tant les pensées se bousculent. Il y en a eu beaucoup rien que ces dernières années.
Évidemment, il y a ce matin du 26 décembre 2019. Voilà une semaine que nous parcourons le désert du Rub Al-Khali, dans le sud-est des Émirats Arabes Unis. Une semaine d’exploration qui nous a conduit à cet instant précis. Je viens me placer au cœur d’une succession de petites dunes, à l’endroit où j’avais tracé un repère dans le sable au cours d’une « répétition » préalable à ce jour. Face à moi, un arbre solitaire émerge du désert, sa verticalité tranchant avec les courbes horizontales des dunes avec lesquelles je compose au premier plan. Soudain, peu après 7 h du matin, les pointes d’un croissant de soleil émergent de l’horizon… Nous y sommes. Au cœur du Moyen-Orient, j’assiste au lever surréaliste d’une éclipse solaire ! Au moment de la totalité, un fort vent se lève avec l’ombre qui arrive… Le temps se suspend, et la lune, invisible, émerge de l’autre côté de l’astre. Le vent revient, et disparaît à nouveau quand la lumière fait son retour sur les dunes. Instant prodigieux, à jamais gravé dans ma mémoire. (Une expédition que j’ai partagée avec ma compagne ainsi que Frédéric Couzinier, dont vous pouvez retrouver les images sur son site).
Encore plus récemment, il y a ces moments paroxystiques au cours de la saison orageuse 2020. Tous sont mémorables, et je pourrais par exemple parler de cette fois où un grand duc est venu se « figer » face à un impact de foudre en Aragon ; ou encore de cette vision de la comète Neowise dans un massif reculé des Pyrénées espagnoles, où l’astre trônait dans le ciel au-dessus de deux orages distants de 150 km, alors qu’autour de moi résonnaient parfois les chutes de pierres provoquées par le passage furtif d’un isard.
Mais il y a ces dates du 9 et 10 juillet, qui furent un condensé invraisemblable de ce type d’instants. Le soir du 9, après une ascension tardive, je suis posté face à une crête dans un massif perdu de l’Ariège, attendant que la foudre frappe tandis que s’élèvent de lointaines nappes de brumes. Soudain, ce dont je rêvais se produit : un impact proche s’abat sur la crête, au milieu de mon cadre, cerné par un ciel allant de la lumière vers l’obscurité. Lui succèdent d’autres éclairs, côtoyant un arc-en-ciel inondé d’une lueur rouge, avant que la nuit ne s’installe. La voie lactée succède alors aux orages, puis un dernier cumulonimbus, plus lointain, vient s’illuminer au-dessus des cimes. Vers 4 h du matin, enfin, je prends place sur une arête herbeuse pour attendre la levée de la comète, alors toute proche de la terre. Elle apparaît bientôt, flottant au-delà de la mer de nuages. À l’aurore, après une quasi nuit blanche, le soleil se lève sur cet « océan » dont ne dépassent plus que quelques « îles sommets », projetant des rayons sur l’horizon sous les bancs de nuages qui s’étirent à l’est. Alors que j’entame la redescente vers la brume, un spectre de Brocken se colore en-dessous de moi… Jusqu’au dernier moment, cette ascension en solitaire m’aura réservée des visions plus magiques les unes que les autres.
C’est justement pour raconter de la façon la plus immersive possible ces instants – que je résume brièvement ici – que j’écris les récits que vous pouvez retrouver sur mon site. Deux d’entre eux sont justement à paraître très bientôt : l’un sur cette saison estivale 2020 ; et l’autre sur une traversée du cirque de Gavarnie par les crêtes, une course de haute montagne mémorable là encore. (Mon site étant tout fraîchement refait, les récits antérieurs à 2019 vont revenir petit à petit, notamment ceux des traversées de l’Amérique du Nord, et d’autres voyages photographiques pyrénéens ou à l’étranger).
La priorité est de poursuivre la branche « électrique » de « Terres Perdues ». Chaque été est donc réservé à cette quête en haute altitude, et à des road trips dans le nord de l’Espagne ou ailleurs en France et en Europe. Rien qu’avec les Pyrénées, il y aurait à faire pour plusieurs vies ! Malgré tout, nombreux sont les massifs et déserts plus lointains qui m’attirent, notamment l’ouest de l’Himalaya et le Karakoram, certaines régions de l’Afrique du Nord ; ou même de l’Antarctique – mais là c’est tout de suite une autre logistique… Il y en a sur tous les continents ! Ceci dit je garde à l’esprit que l’exploration est à portée de main : chaque jour, je vois les Pyrénées depuis chez moi, autant de recoins qui restent à découvrir. En attendant de pouvoir monter des expéditions plus ambitieuses, je prépare donc certains projets pour un futur indéterminé, et planifie des treks de plus en plus longs dans les Pyrénées, en vue d’une traversée intégrale de la chaîne d’ouest en est, de l’Atlantique à la Méditerranée, en autonomie. Ce sera déjà un bon début !
D’un autre côté, je garde à l’esprit que les voyages les plus lointains doivent rester rares, ou se faire par des moyens alternatifs pour minimiser son impact environnemental au maximum.
Je continue sinon à explorer méthodiquement l’Espagne, dont la frontière n’est qu’à une heure de chez moi, et qui regorge de lieux incroyables qui restent à découvrir.
Dans un autre registre, je commence aussi à réfléchir plus sérieusement à éditer mon premier livre. J’ai une fâcheuse tendance à ne jamais considérer avoir suffisamment de matière « digne », mais il va bien falloir se lancer ! Rien n’empêchera de faire mieux plus tard. J’aimerais bien sûr qu’il intègre l’aspect récit, dans la lignée de ma démarche actuelle sur mon site, en probablement plus « condensé » ; avec une sélection cohérente des meilleures histoires et photographies.
Sinon, je suis aussi en train de lancer mes premiers stages en partenariat avec l’agence « Voyages Photo ». Ils se dérouleront dans les Pyrénées, notamment en Ariège. Les informations à ce sujet sont d’ors et déjà à retrouver sur mon site et celui de l’agence.
Explorez ! La crise actuelle a pu donner l’occasion de se recentrer sur une exploration de proximité, et je pense qu’il faut continuer à creuser dans cette direction. Mais l’exploration n’est pas que géographique, elle est aussi artistique, et peut s’appliquer dans tous les domaines. C’est en expérimentant que naissent les idées, qui sont les graines des futurs projets les plus aboutis.
Retrouvez tout le travail de Maxime et son actualité via Facebook , Instagram et sur son site internet.