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Interview : Christophe Asselin

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Le nom de sa chaîne Youtube illustre à elle seule sa passion : « Chroniques Chaotiques ». Tombé dans la marmite de la chasse aux orages voilà bien longtemps, son bonheur est équivalent à la masse de nuage en convection … nous vous emmenons à la rencontre du foudroyant Christophe Asselin.

Peux-tu te présenter ?

Christophe, 36 ans, passionné d’orages depuis ma plus tendre enfance et ayant décidé d’aller à leur rencontre à la moindre occasion depuis que j’ai obtenu mon permis de conduire. Mon envie de les photographier m’a poussé à apprendre l’image en parallèle d’une formation universitaire dans l’audiovisuel. Je bossais la vidéo à l’école, tandis que je développais mes connaissances en photo auprès de mes pairs chasseurs d’orages les plus expérimentés. Aujourd’hui je travaille à plein temps pour ma chaîne Youtube Chroniques Chaotiques, consacrée à la météo extrême, mais je suis loin de délaisser la photographie au cours de mes expéditions.

Sujet (s) de prédilection ?

Je m’intéresse à capturer tous les phénomènes de l’orage, qu’on parle de structures nuageuses exceptionnelles ou de paysages simplement rendus chaotiques par l’aspect instable du ciel. C’est justement ce que j’aime dans l’orage : sa capacité à transfigurer des paysages parfois basiques si on les croise sous un grand ciel bleu. Cela étant, mon sujet de prédilection, comme chez beaucoup de chasseurs, est indéniablement la foudre.

C’est l’élément qui définit l’orage et qui pourtant reste difficile à saisir, capricieux et pas toujours prévisible, bien qu’on sache de mieux en mieux l’anticiper avec l’expérience. J’ai une envie éternellement renouvelée de capturer la foudre au plus proche, de voir dans mon image le sujet qui est directement frappé par cette fulgurance impressionnante. Et si je peux faire en sorte qu’il y ait un ou des éléments de composition dans mon cadre, c’est évidemment mieux ! Mais dans certains cas, l’orage et ses formations nuageuses suffisent à habiller la scène. Bien approprié lorsqu’on navigue dans les grandes plaines désertiques du centre des Etats-Unis, là où les choix de premiers plans originaux sont très rares.

Conseils et astuces pour shooter ces types de sujets ?

La chasse à l’orage nécessite de connaître son gibier avant de pouvoir l’apprivoiser. Aller à sa rencontre sans le comprendre, c’est le meilleur moyen d’être situé du mauvais côté et de ne même pas voir les éclairs s’abattre sur l’horizon, à moins d’un coup de chance. Je conseillerais donc d’apprendre d’abord les rouages de ces machines atmosphériques, et d’observer attentivement la façon dont elles évoluent dans le ciel. La capacité à bien se positionner et à repérer les zones potentielles de foudroiement ne viendra de toute façon qu’avec le temps et l’expérience.

Ne serait-ce que pour éviter les noyaux de pluie les plus intenses, dans lesquelles il est évidemment plus compliqué de shooter (quoique pas impossible, en développant des systèmes de fixation à l’intérieur du véhicule de chasse). Avoir un matériel prêt à souffrir devant l’humidité et la poussière reste un prérequis essentiel … Devant l’orage, on travaille souvent à l’Ultra Grand Angle pour capter toute la grandeur de la scène. Même à plusieurs kilomètres de distance du coeur orageux, il se passe souvent des choses au-dessus de notre tête qui méritent de l’attention.

C’est donc à mon avis l’optique à choisir en priorité avant de partir sur le terrain. A moins de vouloir seulement photographier les éclairs de loin, auquel cas on pourra privilégier du 50 ou du 85mm. Mais qui voudrait rester trop loin de ces beautés ? Je dis cela mais, bien évidemment, je vous invite à la plus grande prudence quand vous approchez des zones de foudroiement intensives. Si vous êtes positionnés sur un point proéminent du paysage ou si vous sentez de premières grosses gouttes autour de vous, c’est qu’il est possiblement temps de rejoindre votre véhicule, là où vous serez le plus en sécurité. Sous l’orage, la lumière baisse très vite, même en journée, donc privilégiez des objectifs à grande ouverture si vous en avez la possibilité, au risque de devoir monter très haut dans les ISO !

Que trouve-t-on dans ton sac photos ?

J’ai honnêtement un matériel un peu anarchique constitué au fil des ans avec un budget assez serré. Je possède deux boîtiers pour deux usages très différents. Le premier est un Sony A7R II acheté en 2016 pour son grand capteur de 42 millions de pixels et une belle dynamique qui me permettent de retranscrire efficacement les très larges gammes de lumière qui existent sous l’orage, et d’en faire potentiellement des tirages papier ou de cropper dans mes images pour aller chercher des détails. A l’époque, c’était également un des premiers appareils à proposer de la vidéo 4K satisfaisante, d’où une polyvalence qui me plaisait particulièrement. Il a beaucoup souffert en 6 ans et montre des signes de faiblesse mais m’offre toujours de beaux résultats.

Depuis, j’ai ajouté un second boîtier qui me sert quasi exclusivement à la vidéo : il s’agit d’un Panasonic S1H. La vidéo représente effectivement la plus grosse part de mes investissements puisqu’il s’agit avant tout de mon métier. En termes d’objectifs, je voyage assez léger avec principalement les Canon 16-35mm f/4 et Canon 24-105mm f/4. Une fois sur le terrain, il est important pour moi de ne pas avoir à changer de caillou à chaque prise de vue. Quand la situation devient sportive et que les éléments se déchaînent, il est plus utile selon moi de pouvoir recadrer en un coup de poignet que de devoir intervertir des optiques sous la pluie et par 90Km/h de vent. Certains événements météo ne préviennent pas tout à fait et je suis ravi de pouvoir zoomer rapidement sur des zones d’intérêt un peu lointaines. Avec quelques bagues d’adaptation, je monte ces optiques Canon invariablement sur mon Sony ou mon Panasonic, sans souci majeur, si ce n’est une mise au point manuelle à laquelle il faut s’habituer.

J’embarque ensuite beaucoup de matériel de son : des micros directionnels, stéréos, cravate… pour capter au mieux les ambiances et mes commentaires dans le feu de l’action. Je possède enfin l’accessoire indispensable du chasseur d’orages moderne : une cellule de déclenchement pour la foudre diurne. Autant il est possible de shooter en pose bulb pendant la nuit, autant capturer la foudre en plein jour est plus délicat. Les filtres ND peuvent aider mais ils diminuent trop la luminosité de l’éclair. C’est pourquoi nous avons des petits boîtiers qui se connectent à la prise télécommande de l’appareil et détectent les impulsions lumineuses puis donnent instantanément l’ordre de déclencher. Reste à avoir cadré au bon endroit !

Une anecdote de voyage ?

En 2013, j’ai eu l’opportunité d’assister à la tornade la plus large jamais observée sur Terre. C’était dans l’Oklahoma, en plein cœur du printemps, la saison la plus active. Un événement d’une rare intensité et qui restera malheureusement un souvenir tragique pour bon nombre de chasseurs, puisque certains d’entre nous y ont péri. Notamment une équipe de trois chasseurs menée par le célèbre Tim Samaras, dont les travaux de recherche autour des tornades étaient une référence.

Malgré leur savoir incontestable, la violence de la tornade ce jour-là et son soudain changement de trajectoire les ont piégé. Au même moment, nous étions à peine 2 km plus loin. Notre chance est d’avoir maintenu notre cap sur l’autoroute plutôt que d’opter pour des pistes en terres moins praticables. Nous avons ainsi pu échapper à temps à ce monstre de puissance, dans lequel les services météo américains ont estimé des rafales à plus de 475 Km/h. Nous avons même pu le filmer lorsqu’il traversait l’autoroute derrière nous, faisant s’envoler comme du carton les panneaux de signalisation.

Un souvenir ancré dans ma mémoire comme si c’était arrivé hier, et ce traumatisme de savoir que l’un des plus grands spécialistes n’y a pas survécu. De quoi rappeler que cela pourrait arriver évidemment à n’importe lequel d’entre nous… Il me semble utile de préciser que toutefois, la grosse majorité des tornades ont lieu sur des territoires vierges et ne font de victime ni chez les chasseurs, ni dans la population locale. La plupart de nos rencontres célestes sont donc bien plus heureuses et laissent place à toute la fascination que nous avons envers ces manifestations extrêmes de la nature.

Prochain projet ?

J’aurais envie de transposer cette question au pluriel tant j’ai d’envies à assouvir, mais je pense que la prochaine étape pour moi est d’aller à la rencontre des orages de l’hémisphère sud, histoire de briser l’ennui de l’hiver météorologique chez nous. Ce serait surtout l’occasion de nouvelles aventures exaltantes sur les traces des tornades argentines ou des foudroiements quotidiens de la côte australienne. Il y a tant de sujets à raconter autour de ce phénomène à travers le monde que j’ai envie d’effectuer un pèlerinage dans tous ces lieux emblématiques. Si ma chaîne Youtube se développe suffisamment, j’espère trouver les partenaires qui m’aideront à accomplir toutes ces ambitions.

Un mot pour finir ?

Nul ne peut imaginer vraiment ce que les bouleversements climatiques vont avoir comme impact sur les phénomènes ultra localisés que sont les orages. On sait qu’ils sont potentiellement destructeurs et font régulièrement des victimes mais c’est justement parce qu’ils imposent notre humilité qu’on devrait les observer avec admiration. Apprendre à les connaître permet d’ailleurs le plus souvent de gommer les phobies ! Ils sont un des plus beaux symboles de la recherche permanente d’équilibre de notre planète, et aller à leur rencontre est en tout cas ce qui me permet de trouver mon équilibre personnel, malgré le chaos qu’ils provoquent dans mes emplois du temps professionnels ou familiaux. Alors si vous ne le faites pas déjà, je vous conseille de lever le nez vers le ciel un peu plus souvent !

Retrouvez tout le travail de Christophe et son actualité via Youtube Instagram et sur son site internet.

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