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Interview : Adrien Mauduit

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Retranscrivant avec passion et enthousiasme le monde de la nuit, il sillonne le monde en quête de ciels nocturnes d’une rare beauté ! Ses photos sont une véritable invitation à lever les yeux au ciel. Nous avons le plaisir de donner la parole à un spécialiste en astrophotographie, Adrien Mauduit.

Peux-tu te présenter ?

Mon nom est Adrien Mauduit. Je suis un photographe et cinéaste nature professionnel de 30 ans. Je suis actuellement basé en Norvège arctique, sur l’ile somptueuse de Senja, non loin de Tromsø. À la base, je suis ingénieur agronome diplômé d’UniLaSalle à Beauvais. Après mon diplôme, je suis allé m’expatrier au Danemark et ne trouvant pas de travail dans ma branche de spécialité (l’écologie), j’ai dégoté un poste d’enseignant en sciences, Anglais, Français, sport et musique dans un Lycée privée de la province Danoise.

J’ai toujours aimé la nature, le monde extérieur et l’astronomie. Un de mes plus grands rêves était de voir les aurores boréales et lorsqu’au détour d’une conversation, un collègue me jura qu’il était parfois possible de les voir du Danemark, je me suis rué sur l’occasion. Après plusieurs tentatives veines, je commençais à perdre espoir. C’est alors qu’elles sont apparues un beau soir sur la plage, comme un feu brillant qui surgît de l’horizon nord. Bien sûr, ce n’était pas aussi spectaculaire que les aurores qu’on peut admirer ici en Norvège, mais n’en ayant jamais vu, c’était une expérience qui changeât ma vie pour toujours. Le lendemain, j’achetais mon premier appareil photo sur Amazon pour pouvoir les capturer.

De fil en aiguille, après beaucoup d’apprentissage et d’erreurs, je me spécialise dans la photographie nocturne et le timelapse. J’ai regardé un nombre impressionnant de tutoriels sur Youtube et j’ai fait d’innombrables essais sur le terrain pour me perfectionner et trouver une technique qui m’est propre. Entre 2015 où je commençais et 2019, l’astrophotographie reste un hobby mais mes voyages en Islande, au Canada, en Norvège et aux îles Canaries me permettent de construire un portefeuille de photos et clips cinématique assez important. En 2019, après un retour en France d’un an pour essayer l’auto-entreprenariat, je décidais de partir m’expatrier en dans le zone aurorale de Norvège Arctique, où un poste de guide en aurores boréales m’attendais.

Depuis, j’ai monté mon entreprise professionnelle de photo nocturne et travaille à temps plein à l’observatoire des aurores boréales à Senja (Aurora Borealis Observatory). À côté de cela, je suis aussi coordinateur communication des sciences et au publique pour le projet PoSSUM sur la base du volontariat. C’est un projet financé en partie par la NASA pour former des astronautes aux vols sub-orbitaux et étudier l’aéronomie de la mésosphère. Mon travail de photographie sur les nuages noctulescents au Danemark m’a ouvert à cette occasion unique de travailler avec main dans la main avec des astronautes de la NASA et participer à des missions aéronautiques.

Domaine, sujet de prédilection ?

Mon domaine de prédilection est l’astrophotographie au sens large. J’affectionne beaucoup de choses et de techniques en astrophotographie mais j’ai trois grandes spécialités qui ont maintenant été reconnues sur le plan international :  La photographie des aurores, la photographie de voie lactée en champs moyen et l’astro-timelapse. Après avoir passé cinq années à essayer de construire le meilleur procédé de prise et traitement des photos de nuit, j’ai le souci du détail et de l’aspect naturel. À travers mes œuvres, je veux montrer qu’avec un matériel simple, de la patience et une technique solide, on peut réaliser des images époustouflantes. Même si j’utilise parfois des techniques plus avancées telles que le panorama, l’empilement ou le guidage, je veux aussi rassurer les débutant en leur montrant que l’on peut capturer des scènes impressionnantes avec des poses uniques.

La photographie des aurores est devenue l’un des piliers fondateurs de ma collection. C’est un art qui demande une approche complètement différente de la photo de nuit normale. Tout est dans la gestion de l’adrénaline, être au bon endroit au bon moment, bien lire les prévisions à court terme, avoir beaucoup de patience mais aussi connaître son matériel pour s’adapter extrêmement rapidement. Les aurores sont très capricieuses par nature et il faut parfois attendre des heures dans des conditions inhospitalières avec l’appareil en position avant qu’elles ne se montrent. Leur intensité et leur mouvement varient aussi très brusquement, donc il faut pouvoir changer l’orientation ou les réglages de l’appareil en un clin d’œil si l’on veut capturer les meilleures images.

L’astrophotographie et l’astro-tourisme sont en plein essor en ce moment. Il y a beaucoup d’images magnifiques qui circulent sur les réseaux sociaux. Cependant, pratiquement toutes dévoilent un champ large avec un premier plan sous-exposé et une voie lactée floue. J’étais désireux de montrer que la photographie de voie lactée ne se résumait pas à cela, et qu’il y avait beaucoup de choses nouvelles à explorer dans le domaine. Il y a quelques années, après avoir vu quelques rares exemples sur les réseaux sociaux, j’ai développé une technique de photographie et timelapse de champ moyen et semi-profond qui a agréablement surpris la communauté.

En utilisant des focales plus longues et un système de guidage du ciel étoilé, on peut faire ressortir les détails et les couleurs des nébuleuses, même en pose simple pour le timelapse. Possédant des appareil astro-modifiés et des objectifs extrêmement nets, j’ai réussi à créer pour la première fois des timelapses montrant un premier plan et un second plan en champ profond. Par exemple, on peut voir la boucle rouge de Barnard dans la constellation d’Orion ou même la zone tricolore de Rho Ophiuci qui demandent d’habitude des poses longues.

As-tu des conseils pour shooter ce type de sujet ?

Comme pour beaucoup de choses, il n’y a pas de secrets pour l’astrophotographie. Il faut se munir de patience mais surtout essayer, échouer et réessayer. C’est une partie très importante de l’apprentissage. Dès que vous le pouvez, sortez, montez votre trépied et appareil et prenez des photos. Beaucoup de photos ! N’hésitez pas à essayer pleins de réglages différents et de retenir ceux qui produisent les photos que vous aimez le mieux.

Pour les débutants, vous pouvez utiliser n’importe quel appareil et objectif. Attendez de maitriser et connaître votre matériel avant d’investir. Cependant si vous le faîtes, privilégiez les appareil plein format (full frame). Les meilleurs objectifs pour l’astrophotographie ne sont pas forcément les plus chers.  Assurez-vous qu’il soit de grand champ (10-35mm), avec une grande ouverture minimum (idéalement inferieure à 2.8). Un trépied solide est indispensable car votre temps d’exposition long brouillerait les photos si l’appareil n’était pas fixe. Réglez votre appareil sur ‘RAW’ ou ‘RAW+ JPEG’, puis sur retardateur (2-10 secondes est assez).

Pensez à utiliser l’écran et le zoom numérique pour faire la mise au point et vous assurer que l’exposition est bonne. Réglez l’ISO entre 1000 et 6400, l’ouverture maximale (plus petit nombre f/stop) et le temps de pose varier selon votre sujet et votre focale. Pour la voie lactée, utilisez la règle des 500 (500/focale = temps de pose maximale avant le filé des étoiles). Pour les aurores faibles, 10-20 secondes sont généralement suffisantes, alors que les aurores lumineuses demandent une réduction à 1-5 secondes.

Quel matériel utilises-tu ?

Je voyage toujours avec 4 appareils et beaucoup d’objectifs. Je possède deux boîtiers Canon 6D astromodifiés que j’utilise pour les photos et les timelapses, un Sony a7s (vidéos en temps réel) et un Sony a7rII (vidéos 4K de jour et photos de jour). J’ai aussi une collection d’objectifs prime Sigma et Samyang, de 14 à 500mm. J’ai deux guideurs Vixen Polarie qui me permettent de faire des poses plus longues sans filé d’étoile. J’ai 4 trépieds et une rampe de mouvement pour les timelapse. J’ai aussi quelques filtres dont deux pour la pollution lumineuse.

Pour l’astrophotographie, le meilleur appareil que j’ai jamais testé est le Canon 6D. Bien qu’il soit en bas de gamme pour les grands formats chez Canon avec un capteur de 20mp seulement, il reste imbattable sur les couleurs et le bruit. En astrophotographie, le nombre de pixel est en fait un facteur aggravant. Cependant, un choix alternatif peut être le Nikon d850 ou d810, le Sony a7III ou le Sony a7sII. Ce dernier offre non seulement une qualité de photo de nuit impressionnant, mais il reste le meilleur recorder pour les vidéos en temps réel (4K) la nuit avec la possibilité de pousser l’ISO jusqu’à 40K sans trop de bruit.

Les objectifs Sigma et Samyang offrent des modèles de choix. Le Sigma 14mm f1.8 est cher mais reste le meilleur grand champ sur le marché à ce jour. Le Samyang 14mm f2.8 est une très bonne alternative meilleur marché. La qualité optique des Sigma est en général supérieure, excepté pour le Samyang 135mm f2. De tres bons modeles à considerer sont le Sigma 20mm f1.4, le Sigma 35mm f1.4, le Sigma 50mm f1.4.

Un souvenir photo mémorable ?

Mon meilleur souvenir photo est sans nul doute cette nuit de Février 2018. J’étais invité à l’observatoire des aurores boréales sur l’île de Senja pour cinq jours afin de visiter mon futur poste. Cette semaine-là, plusieurs nuits à Kp4-5 étaient prévues, si bien que la première nuit, j’ai pris ma voiture de location et ai conduit une heure vers l’ouest de l’île. Après avoir fait de la reconnaissance pendant une heure, je trouve enfin une belle plage avec un point de vue panoramique. Je me pose et je commence à monter mes appareils. Soudain, il ne faisait pas encore complètement nuit que des aurores aussi lumineuses que la pleine lune font leur grande entrée au-dessus de ma tête.

Il était 5 heures du soir seulement et je n’en croyais pas mes yeux !  Je suis resté hébété pendant 15 minutes alors que les aurores dansaient encore plus vives les unes que les autres. En tout, 7 mini-shows, aussi appelés ‘sub-tempête géomagnétiques’ se succédèrent cette nuit-là. C’était la première fois que j’assistais à un spectacle aussi lumineux et persistant ! Tout le fjord était rempli de vert et de rose et les aurores créaient même des ombres portées au sol ! Je n’oublierai jamais ce moment magique et incroyable.

Prochain projet photo sur lequel tu réfléchis ?

Je suis actuellement en train de continuer un projet personnel appelé ‘Starlight’, qui est une série documentaire timelapse sur les endroits les plus étoilés du monde. J’ai créé et monté le premier opus l’année dernier au Chili et vous pouvez visionner ce premier épisode.

Ensuite, j’ai un tas de projets professionnels qui vont m’envoyer filmer dans les deux prochaines année vers des destinations similaires comme en Namibie, Madagascar, Nouvelle-Zélande, Australie…etc. Je ne peux pas en dévoiler trop car je suis sous clause de confidentialité, mais ces projets seront diffusés sur des gros hubs comme National Geographic ou Netflix.

Un petit mot pour finir ?

L’astrophotographie est vraiment un sujet passionnant, que l’on soit amateur ou professionnel. Les appareils numériques d’aujourd’hui permettent d’un simple clic de prendre des clichés de l’univers encore impensables il y a 20 ans. De plus les appareils photos deviennent de plus en plus abordables en termes de prix, et on peut réellement réaliser des merveilles avec du matériel à bas prix. Cela encouragera, je l’espère, de plus en plus de personnes à apprécier ce ciel nocturne qui a guidé et émerveillé tant de nos ancêtres.

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